Coin lecture de 1104 : Alexandre Vialatte
Et si nous allions à la rencontre d’un écrivain modeste, obscur et pourtant immense. Alexandre Vialatte, auteur de chroniques pertinentes, pleines de saveur, toujours de bon goût, avait l’art de débusquer les fausses valeurs, de s’en amuser avec un plaisir délicat et de nous faire partager ses découvertes, ses émerveillements.
Ce cher Alexandre a quitté ce monde en1971. Pendant toute sa vie il a été goinfre de lecture et nous a laissé une littérature fraîche, riche et délicate. Bien sûr, il n’a pas connu la précipitation de notre époque, seulement le début de cette accélération, mais son sens aigu de ce qui est vraiment important dans tout le désordre et le bric à brac du monde peut nous guider dans nos choix actuels ;
Alors, retournons lire « Les dernières Nouvelles de l’homme » au chapitre des Proverbes par exemple. Un proverbe oriental blâme la pauvreté : « l’indigence, explique-t-il, est la source de tous les maux. Elle pousse les hommes à se haïr et dissipe tout respect humain. »
Il faut donc faire l’aumône. Comment ?
En gérant bien sa fortune personnelle : « L’homme le plus utile aux autres est celui qui gère bien ses propres intérêts . »
Les proverbes bantous ne manquent pas non plus d’éclatant bon sens : « Si tu ne digères pas la soutane, évite de manger le missionnaire . »
Et puis il y a sa poésie. Il parle des déserts « le désert froid plein de phoques et d’aurores boréales. Le désert chaud qui amaigrit l’homme. Quant aux déserts d’Amazonie, ils sont créés pour supprimer l’explorateur. L’ethnologue s’y enfonce….dégluti par des monstres mous. Il ne reste de son agonie qu’une odeur de boa dans une lumière d’émeraude »
Lire Vialatte, dans ses chroniques en tous cas, c’est suivre un ruisseau au cours capricieux et inattendu, admirer son eau limpide. Il nous emmène partout, même sur la lune la nuit du 21 juillet 1969, où l’on a vu deux petits hommes descendre sur elle par une échelle. « On eût dit
Tintin et Milou. Ils ont planté un petit drapeau et ramassé un caillou rouge……..Et désormais le monde n’est plus le même. »
Dans « Et c’est ainsi qu’Allah est Grand « , il pourfend le prestige du galimatias qui contamine la pensée : Parler faux, dit-il, parler mou, parler vague, parler bête, parler obscur, amène, oblige à penser faux, à penser mou, vague bête et obscur.
Erudit sans pédanterie, il nous promène dans des jardins de philosophes, nous fait approcher des artistes, nous parle du soir de la vie où les gares se font rares et les voyageurs moins nombreux.
Comment ne pas aimer un homme pareil qui désamorce les angoisses , anéantit l’ennui tout en nous disant des vérités déchirantes.
Rencontrer Vialatte, c’est rencontrer un ami.
Cyrano .